Le Lycée Poincaré, le lundi 28 novembre 2022, a eu l’honneur d’accueillir Transparency International. Quatre classes de Première HGGSP et une classe de Terminale ont pu assister à une conférence. Benjamin Guy – responsable de la communication de Transparency International France – est venu présenter en salle Fayolle les actions menées par cette ONG. Plus de 150 élèves du lycée Poincaré ont été sensibilisés à des questions relatives à la lutte contre la corruption. Benjamin Guy a expliqué ce qu’on pouvait entendre par « biens mal acquis », ou « paradis fiscaux ». Il a présenté aussi le rôle des lanceurs d’alerte en défenseurs de l’intérêt général. Plusieurs élèves de Première – en spécialité Histoire-Géographie-Géopolitique-Sciences Politiques – ont travaillé pour proposer une synthèse de l’intervention.
Transparency International France est la branche française d’une organisation internationale et non gouvernementale. Cette ONG a pour but de lutter contre la corruption de manière tout à fait transparente. L’organisation couvre jusqu’à 100 pays. Pour lutter contre la corruption Transparency International a plusieurs moyens : contentieux (des actions en justice contre la corruption), plaidoyer (la sensibilisation sur la corruption) et l’accompagnement (par exemple des lanceurs d’alerte).
M. Benjamin Guy, travaillant pour Transparency International France, nous a éclairés sur les lanceurs d’alerte, les biens mal acquis et les paradis fiscaux lors de cette conférence.
Un élève – Quel est le rôle de votre organisation non gouvernementale ?
M. Benjamin Guy – Notre but est de lutter contre la corruption en apportant de la transparence afin de rendre le plus de malversations visibles aux yeux de tous et de faire réaliser qu’il y a encore aujourd’hui énormément de corruption. Cependant, on ne se limite pas à ça. Nous allons plus loin en lançant des procès afin de sanctionner ceux qui n’appliquent pas les règles comme ils le devraient.
Qu’est qu’un lanceur d’alerte ?
Lorsqu’une alerte est lancée, elle doit être la plus transparente et la plus claire possible. Mais comme cette information est sensible, il est important que le lanceur d’alerte sache qui connaît l’affaire et à qui elle est transmise et – surtout – quelles conséquences sa diffusion peut avoir. Certaines informations doivent cependant rester secrètes : il est normal que certaines infos restent privées, notamment dans le domaine du personnel (ex : informations personnelles sur les employés). Souvent les alertes font débat. Au nom de l’intérêt général, certains considèrent qu’ouvrir l’information à tous c’est de l’atteinte à la vie privée. C’est le choc entre intérêt public et intérêt privé. Mais le principe de la transparence est là pour éviter que certains intérêts privés soient préservés alors qu’ils sont contraires à l’intérêt général.
Beaucoup se disent lanceurs d’alerte sans l’être, car c’est un statut très précis, et il ne suffit pas de s’indigner de quelque chose et de hurler à la corruption pour lancer un mouvement d’alerte. « Lanceur d’alerte » est un statut défini par la loi. Être lanceur d’alerte expose à des risques (justice, perte d’emploi, menaces, mise en danger des proches), mais normalement la Loi Sapin 2 couvre et renforce la protection et l’accompagnement des lanceurs d’alerte. Comme c’est risqué, l’information est importante, car si l’alerte diffusée est mal renseignée il peut y avoir de graves conséquences pour le lanceur d’alerte ou le média ayant diffusé l’information.
Un élève – Sommes -nous protégés par l’État lorsque nous voulons lancer une alerte sur ces corruptions ?
M. Benjamin Guy – Un Lanceur d’alerte est un statut qui est très encadré. S’il y a des preuves, et des menaces pour le lanceur d’alerte, il peut y avoir une protection policière mise en place. De nombreuses procédures – contre les lanceurs d’alerte – sont souvent engagées par les entreprises privées qui sont concernées mais c’est sanctionné car c’est une « procédure abusive ». Une alerte doit être faite dans l’intérêt général d’après la loi Sapin 2 de décembre 2016 qui est « relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique ».
Les biens mal acquis.
Nous parlons de biens mal acquis pour parler de dirigeants étrangers qui achètent des biens dans un pays pour détourner de l’argent public. Ils achètent des biens avec l’argent du pays. En France, de nombreux biens sont achetés comme cela mais la justice française ne peut pas porter plainte dans le pays d’origine.
Un élève – Comment pouvons-nous sanctionner les biens mal acquis ?
M. Benjamin Guy – Lorsqu’un bien est « mal acquis » on s’en rend assez vite compte à l’ ONG. En effet, c’est souvent des gens qui gagnent leur vie certes, mais il leur faudrait travailler vraiment depuis très longtemps pour arriver à s’acheter ces biens si l’on compare avec leurs revenus. Les biens « mal acquis » sont souvent des échanges. Par exemple contre du pétrole, une société peut blanchir de l’argent sale. Cependant, la France ne peut pas intervenir dans les pays où la personne s’est appropriée l’argent si c’est à l’étranger, c’est donc pour cela que notre pays les poursuit la plupart du temps seulement pour « blanchissement d’argent sale » en France. Notre rôle à nous dans ce processus est de pousser les autorités à prendre des sanctions lorsqu’il y a de l’argent volé. C’est parfois de très longues procédures pouvant aller même jusqu’à 10 ou 15 ans mais c’est la justice !
Les Paradis Fiscaux et l’État.
Les paradis fiscaux sont des lieux qui proposent des fiscalités avantageuses. Ce sont des petits territoires qui créent de la richesse en attirant des capitaux. Par exemple, des sociétés sont créées au Luxembourg mais elles n’ont aucune activité sur le territoire luxembourgeois. Elles ne font qu’envoyer des données gagnées depuis d’autres pays comme la France au Luxembourg. Ceci est une technique d’optimisation fiscale, parfois à des fins de blanchissement d’argent ou de fraude fiscale.
Une élève – Alors que l’on connaît de très nombreux paradis fiscaux, pourquoi nous ne les supprimons pas ?
M. Benjamin Guy – Tout d’abord il faut savoir qu’entre pays nous ne sommes pas d’accord sur la liste des paradis fiscaux. Par exemple le Delaware, qui est un petit État situé sur la côte Est des États-Unis (E.-U.) n’est pas sur la liste des paradis fiscaux des E-U. De plus, alors que nous connaissons de nombreux paradis fiscaux, aucune enquête ne peut être menée car la justice n’a pas assez de moyen, ni de personnel. En effet, il y a des milliers de sociétés offshore et seulement 8 juges pour s’occuper de l’intégralité de ces affaires. Enfin, le problème vient aussi de l’opinion publique. Les gens ne se sentent pas assez touchés directement alors qu’ils le sont. Nous le sommes tous. Regardons aujourd’hui, environ 1 300 milliards d’euros de la France vont directement au Luxembourg où l’impôt y est très faible. Alors imaginons seulement que 20 % devraient revenir à la France… ce serait déjà 260 milliards d’euros qui ne reviennent pas à la France. Des milliards d’euros qui ne sont pas utilisés pour la retraite, ou pour les hôpitaux. Vous m’aurez alors compris, comme les gens ne savent pas et ne se rendent pas compte de cela il n’y a aucune protestation, pas de manifestation, aucune indignation qui pourrait faire réagir l’État afin de trouver réellement des solutions.
Certaines « organisations » sont créées peu à peu afin d’enquêter sur les paradis fiscaux et fraudes fiscales. Par exemple, Openlux, une enquête journalistique a été ouverte afin d’enquêter sur la situation du Luxembourg et ainsi, il a été mis en évidence que la plupart des grandes entreprises françaises ont un compte au Luxembourg.
Article sur les lanceurs d’alertes rédigé par Augustin Nadulek
Compte-rendu des questions posées par les élèves Cheryne Tazi et Morgane Mahé
Photographies de Marvyn Messaoudi
Dessin réalisé par Océane Dumenil
Maquette et mise en page du journal numérique par Inès Brasseur